Le retour du protectionnisme est-il un frein ou non à la croissance ?

Donald TRUMP, fidèle à ses engagements de campagne, « America First », a réintroduit des droits de douane sur certains produits importés, au risque de provoquer, une « guerre » commerciale avec la Chine, mais y compris avec ses alliés européens traditionnels.

Par conséquent, on peut se demander si cette politique, tellement contraire à celle mise en œuvre depuis des décennies, est susceptible de porter atteinte à la croissance des Etats-Unis et à celle du commerce mondial ou au contraire, susceptible de la favoriser ?

Pour le moment, le premier bilan, établi à la fin du mois d’août 2018, donne un avantage certain au Président américain, puisque la croissance en rythme annualisée des Etats-Unis est estimée à hauteur de 4%, ce qui constitue un taux exceptionnellement élevé.

Mais beaucoup d’analystes s’interrogent sur la durabilité de cette croissance et certains de dire qu’elle ne sera, au bout du compte, qu’un feu de paille et que de cette « guerre » économique, il n’en sortira ni vainqueur, ni vaincu. Mais qu’en est-il au juste ?

Les trois facteurs qui influencent la croissance en cas de politique protectionniste

La durabilité de la croissance liée à une politique protectionniste, dans un monde interdépendant, dépend schématiquement de trois facteurs :

– La mise en place de mesures de rétorsion sur les exportations du pays protectionniste. Sur ce point, les réponses sont pour le moment différentes. La Chine a choisi de riposter (pour des raisons que l’on comprend bien) en taxant à la même hauteur certains produits américains qu’elle importe. Les pays européens ont pour le moment fait un autre choix : ne pas répondre.

– L’existence ou non de produits de substitution à ceux que le pays protectionniste exporte et qu’il envisage de taxer de droits de douane. En d’autres termes, les Etats-Unis sont-ils en mesure de produire à des prix compétitifs, de l’acier et de l’aluminium sur lesquels ils imposent des droits de douane ?

– L’utilisation qui sera faite dans le pays protectionniste des revenus provenant de ces nouveaux droits de douane. Ces revenus supplémentaires seront-ils ou non redistribués aux différents agents économiques du pays protectionniste ?

Les deux scénarios extrêmes

On voit bien à travers ces trois facteurs que se dessinent, pour le pays protectionniste, un scénario « idéal » et un scénario « négatif ». L’un et l’autre sont susceptibles d’influencer le niveau et la durabilité de la croissance du pays protectionniste et de celui du commerce mondial.

Le scénario « idéal » pour les Etats-Unis serait le suivant : a. il n’y a pas de riposte d’ampleur de la part des pays impactés par la politique protectionniste, b. le pays protectionniste a la capacité de produire et de manière compétitive les biens qu’il soumet à de nouvelles taxes, c. les revenus issus des taxes nouvellement mises en place sont redistribués dans le pays à certains agents économiques intérieurs.

Le scénario « négatif » serait le symétrique du précédent : a) les pays impactés ripostent à la même hauteur ce qui neutralise tout effet bénéfique sur la croissance, b) le pays protectionniste n’a pas les moyens de produire en interne et de manière compétitive les biens qu’il exporte et qu’il soumet à des droits de douane, c) Les revenus provenant des mesures de protection ne sont pas redistribués dans le pays mais sont utilisés pour réduire, par exemple, le déficit budgétaire.

Le scénario le plus probable

Quel est le scénario qui va se dessiner[1] ? Certainement un scénario compris entre les deux extrêmes. Il faudra suivre avec attention les nouvelles mesures que le Président des Etats-Unis envisage de prendre en matière de protectionnisme et la riposte que les pays impactés envisagent de mettre en place.

D’ores et déjà, on pressent que les effets à long terme d’une politique protectionniste conduite par les Etats-Unis seront peu significatifs et que la croissance actuelle du pays est très certainement un feu de paille avec une durabilité réduite.

[1] Pour plus de détail, voir l’étude de Patrick ARTUS, Flash Economie, 16 Août 2018, numéro 897, NATIXIS.

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