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Investissements

Les investissements des entreprises françaises sont-ils réellement efficaces ?

le 28 décembre 2018

Les investissements des entreprises françaises sont-ils réellement efficaces ?

Le sous-investissement des entreprises françaises : réalité ou mythe ?

Les entreprises françaises n’investiraient pas suffisamment en comparaison avec celles des pays de l’Union Européenne (UE). C’est une affirmation que l’on entend souvent dans les médias. Ce sous-investissement « supposé » serait, selon certains commentateurs, responsable d’une croissance insuffisante et expliquerait un niveau de chômage toujours très élevé dans notre pays. Qu’en est-il dans les faits ?

Le mot « investissement » correspond à des réalités différentes

Avant tout, de quoi parle-t-on ? L’investissement recouvre plusieurs éléments différents. Une entreprise peut investir dans des équipements productifs, sous la forme de machines et d’installations techniques. Elle peut investir aussi dans des équipements « non directement productifs », tels que des constructions ou des mises en conformité avec des normes réglementaires. Enfin, une entreprise peut investir dans des actifs « immatériels » tels que la R&D, les logiciels, les bases de données ou les marques, etc…

La France est la « championne » des investissements immatériels

Intéressons-nous, tout d’abord, aux actifs immatériels. On sait le rôle essentiel que jouent ces investissements sur l’innovation. Sur ce point précis, l’affirmation de départ (sous-investissement) est contredite. Les entreprises françaises investissent beaucoup plus dans ce domaine que les entreprises de l’UE. Prenons les investissements en logiciels et bases de données par exemple. Ils se situent entre 5% et 6% de la valeur ajoutée en France, alors que dans les autres pays de l’UE, ils sont en moyenne de 3%. La différence est considérable. Il en est de même pour les investissements en R&D. Les entreprises allemandes par exemple investissent moins dans ce domaine que les entreprises françaises (en pourcentage de la valeur ajoutée). Cette différence expliquerait, selon certains spécialistes, la stratégie des entreprises françaises qui consiste à conserver sur le territoire national les activités de conception et à externaliser hors des frontières les activités de production. En tout état de cause, sur des investissements aussi stratégiques que les actifs immatériels, les entreprises françaises font mieux que celles des autres pays de l’UE.

La France investit moins en machines et équipements productifs

Concernant les investissements dans les machines et équipement productifs la situation est différente. Les entreprises françaises investissent globalement moins dans ce domaine que les entreprises allemandes, italiennes ou suédoises. Le différentiel est de 1.5 point de valeur ajoutée. De nombreux économistes voient, dans cet élément, la source de la perte de compétitivité de l’industrie française comparée aux entreprises d’Outre-Rhin par exemple. C’est une piste mais elle doit être nuancée. Dans l’industrie allemande prise dans sa totalité, le nombre de robots installés pour 10.000 employés est deux fois supérieur à celui de la France. On aurait donc la solution. Pas exactement. Si on se focalise sur l’industrie automobile, comparable entre les deux pays, le taux de robotisation est quasi équivalent. Cet élément (le taux de robotisation) n’est donc pas le marqueur déterminant qui permettrait d’expliquer la moindre efficacité de l’investissement productif en France, notamment dans sa capacité à créer de la compétitivité et de l’emploi.

Les efforts de mise en conformité réglementaire n’expliquent que peu de choses

L’explication pourrait se trouver dans les investissements liés à la mise en conformité réglementaire. La France, on le sait, a la réputation d’en faire souvent trop dans ce domaine. Une étude récente conduite dans l’industrie chimique montre que les dépenses de mise en conformité des normes réglementaires et des normes environnementales expliquent, mais pour une part limitée seulement, le supplément d’investissement entre la France et les autres pays de l’UE.

Analyser sur le long terme

Que conclure de tout cela ? Tout d’abord, il est faux d’affirmer que les entreprises françaises n’investissement pas suffisamment. Dans les actifs immatériels, elles font même nettement mieux que leurs homologues européens. Alors, nombreux sont les économistes qui estiment que le temps de déploiement des investissements immatériels est beaucoup plus long que celui des autres investissements et qu’à terme les investissements dans l’industrie du « futur » feront la différence. Croisons les doigts.

 

Pour plus de détails voir l’étude mise en ligne sur le site de France Stratégie : « L’investissement des entreprises françaises est-il efficace ? ».

Article rédigé par Michel TERNISIEN
Économiste et rédacteur pour Le Figaro et Les Echos

Marie TRAN

Les investissements des entreprises françaises sont-ils réellement efficaces ?