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Les salaires et l’âge : une relation plus complexe qu’il n’y paraît

le 11 février 2019

Nous sommes tous convaincus que les salaires progressent avec l’âge des salariés. Qu’en est-il dans la réalité ? Une étude a été conduite récemment sur ce point pour le compte de « France Stratégie »[1].

Les investigations ont porté sur un quart de siècle (de 1990 à 2014) et sur des personnes travaillant à temps complet et nées entre 1935 et 1974.

[1] Voir l’étude de Léa Flamand, Christel Gilles et Alain Trannoy. Elle est consultable sur le site de « France Stratégie » : https://www.strategie.gouv.fr/publications?page=1.

Oui, il existe bien un lien positif entre évolution de l’âge et évolution des salaires

En première lecture, l’intuition de départ est confirmée : les salaires nets (hors cotisations sociales, CSG et CRDS) augmentent avec l’âge et progressent avec les générations. « Tout est bien dans le meilleur des mondes », non ?

Les auteurs de l’étude proposent d’aller plus loin et d’analyser les salaires cette fois en termes relatifs, en se comparant au salaire moyen de la génération correspondante.

Leur constat est intéressant et plus nuancé. Les auteurs affirment par exemple que : « Quelle que soit son année de naissance, un salarié peut en moyenne espérer multiplier son salaire par 1,7 au cours de sa vie professionnelle ». Ce salarié atteindra le salaire moyen de sa génération vers l’âge de 30 ans et le dépassera de 20% à l’âge de 65 ans.

Mais, cette progression salariale est en trompe-l’œil. Elle concerne davantage les hommes que les femmes. Une femme en fin de carrière gagnera en moyenne 110% du salaire moyen, alors qu’il est de 130 % pour un homme. On retrouve là un phénomène trop bien connu dans notre pays : l’inégalité homme-femme.

Les femmes plus diplômés que les hommes dans les générations plus récentes

Quid des diplômés ? Tout d’abord, le nombre de diplômés a nettement progressé au fil des générations. C’est ainsi qu’à peine un quart des salariés nés entre 1940 et 1944 sont bacheliers. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Ensuite, et c’est un phénomène récent, les femmes sont nettement plus diplômées que les hommes : la moitié des hommes et deux tiers des femmes nées entre 1970 et 1974 sont bacheliers. On mesure l’intensité de l’injustice lorsqu’on met bout à bout ce constat avec celui qui précède.

Le diplôme assurance pour l’avenir ?

Maintenant, le diplôme influe-t-il sur la progression salariale ? La réponse est « oui ». Toutes générations confondues, on observe bien un écart de rémunération positif au profit des diplômés, il est estimé selon les auteurs de l’étude à environ 1 000€ à l’âge de 50 ans. Mais cet écart positif dû au diplôme concerne surtout les hommes. Pas de commentaires.

Toutefois, si on conduit l’analyse en termes relatifs, il apparaît un phénomène important : la « baisse du rendement » du diplôme au fil des générations.

Un affaiblissement relatif du rôle du diplôme dans l’élévation sociale

La position sur l’échelle des salaires d’une personne ayant au moins le bac s’avère moins élevée que celle de la génération qui le précède.

Les auteurs de l’étude notent sur ce point plusieurs phénomènes :

  • premièrement, un léger « déclassement » relatif des diplômés ;
  • deuxièmement, une relative stabilité des carrières des « peu » diplômés :
  • troisièmement, un resserrement de l’écart de salaire net entre les « non » diplômés et les « peu » diplômés.

Selon les auteurs de l’étude, ce dernier phénomène, que l’on constate surtout en France, trouverait sa source dans la politique protectrice du salaire minimum et dans la montée en puissance des politiques centrées sur les allègements de cotisations sociales portant sur les bas salaires.

Qu’en est-il de l’emploi en fin de carrière ?

Sans réelle surprise, on continue d’observer en France une baisse des taux d’emploi des seniors et ce, aux alentours de 50 ans. C’est accentué en France, plus que dans d’autres pays. Quant aux seniors qui conservent leur emploi, ils présentent des caractéristiques bien précises : ils ont un haut niveau de qualification, ils marquent une forte productivité et bénéficient d’un bon niveau salarial.

La formation en continu, seule voie d’avenir pour l’emploi

Quelles conclusions tirer de cette étude ? Tout d’abord, elle permet de mieux connaître le lien qui unit l’emploi, le salaire et l’âge. Ensuite, elle renforce l’importance d’une stratégie de formation qui se ferait tout au long de la vie active, avec un effort plus soutenu en faveur des salariés et ce, aux alentours de la cinquantaine.

Article rédigé par Michel TERNISIEN
Économiste et rédacteur pour Le Figaro et Les Echos

Marie TRAN

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