Depuis quelques mois, par suite des mouvements sociaux, on entend dire beaucoup de choses contradictoires sur la politique sociale suivie par la France. Quand certains affirment que notre pays suit une politique « ultra-libérale » est-on dans le vrai ?
Une étude récente (Janvier 2019) émise par le think-tank « France Stratégie », est intéressante à bien des égards.
La dépense publique tient une place essentielle en France comparée aux pays européens
Les dépenses publiques de la France sont comparées à la moyenne des dépenses publiques de 11 pays d’Europe[1] sur 11 postes différents de dépenses publiques. Qu’en ressort-il ?
Globalement, le poids des dépenses publiques est en France de 55.7% du PIB (Produit Intérieur Brut), alors que les onze de l’UE (hors France) qui servent de point de comparaison, se situent en moyenne à 47.5%, ce qui représente un écart moyen de 8.2%. Cet écart n’est pas anecdotique. Il est considérable !
[1] Autriche, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Portugal, Danemark, Finlande, Suède.
Si l’on isole l’Allemagne. Dans ce pays, le poids de la dépense publique est de 44.1% du Produit intérieur brut, soit un écart de 11.6% par rapport à la France. Pas de commentaires !
Ces deux chiffres (55.7% et 8.2%) donnent, par leur ampleur, un premier élément de réponse à la question posée au début de notre réflexion.
La dépense publique tient en France un rôle déterminant, ce qui ne serait pas le cas d’une politique « ultra-libérale » qui, par nature, marque une grande défiance à l’égard de toute intervention de l’Etat de quelque nature que ce soit.
D’où provient l’écart de dépense publique ?
Mais l’étude de « France Stratégie » va bien au-delà. Elle essaie d’analyser l’origine de cet écart de 8.2%, en faisant l’examen des dépenses publiques poste par poste. C’est ce que fait apparaître le tableau ci-dessous.
Analyse de l’écart de la dépense publique en France comparée aux pays d’Europe
Nature de la dépense publique | Ecart (en %) France versus moyenne de 11 Pays d’Europe |
Retraite et vieillesse | + 3.4 |
Aide sociale et autres dépenses sociales | + 1.0 |
Santé | + 1.0 |
Education et recherche | – 0.7 |
Loisirs et culture | + 0.1 |
Accueil et aide à la personne | + 0.1 |
Défense, police et justice | + 0.7 |
Administration générale | + 0.4 |
Subventions et aides à l’économie (hors CICE) | + 1.9 |
Investissement (hors social et régalien) | + 0.6 |
Charge de la dette | – 0.3 |
TOTAL | +8.2% |
De ce tableau, il ressort que 4 postes constituent l’essentiel de l’écart avec nos voisins européens : en premier lieu les retraites (+3.4%) plus avantageuses en France que dans les autres pays, l’aide sociale (1%), la santé (1%) et, paradoxe, les aides à l’économie (1.9%).
Le second constat de cette étude est le rôle « redistributif » de la dépense publique en France, ce qui a pour conséquences d’atténuer le taux de pauvreté, comme le montre le tableau ci-dessous extrait de l’étude de France Stratégie. La France est bien positionnée et seuls les pays du Nord de l’Europe font mieux.
Cette étude montre qu’il faut faire très attention dans les affirmations que l’on peut émettre à l’égard des politiques publiques. Il est possible certainement de faire mieux et probablement de faire autrement. Mais c’est un autre débat. Essayons déjà de bien analyser et comprendre ce qui se fait dans la réalité.
Référence : France Stratégie – La note d’analyse – n°74 – Janvier 2019
Article rédigé par Michel TERNISIEN
Économiste et rédacteur pour Le Figaro et Les Echos